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SIMON L’HÉRAULT |
Jacqueline Marchand, descendante de l'ancêtre Simon L'Hérault, a découvert dans les archives jersiaises que le nom Hérault fut à l'honneur dans ces îles pendant plus de quatre siécles, de 1299 à 1749. En un mot, du département français de 1'Hérault. En 1790, ce territoire reçut son nom du petit fleuve méditerranéen du même nom, qui l'arrose sur une distance de 132 kilomètres .
M. René L'Heureux, expert de l'histoire de son ancêtre, y va avec beaucoup moins d'assurance. L'assemblage de ses déductions convergentes milite en effet pour une arrivée au Canada de SimonL'Hérault en 1652; une probabilité. Affirmer que Simon partit de La Rochelle, c'est une autre affaire. Au début de 1650, Robert Giffard, parleur convaincu et convaincant, avait harangué les habitants de Saint-Cosme-de-Vair, à l'hôtel du Cheval Blanc. Simon devait être dans la foule des auditeurs emballés. Le petit bateau de Giffard accosta à Québec le 14 juillet de la même année. Portait-il dans ses flancs la parenté L'Hérault et même l'ancêtre Julien Fortin? L'on sait que la mère de Julien et celle de Simon se nommaient Julienne et Marguerite Guillemin, toutes deux de St-Cosme, deux proches parentes sans doute.
En arrivant au pays, Simon employa probablement son temps comme engagé sur la Côte de Beaupré, peut-être a cet endroit qui n'avait pas encore de nom, Sainte-Anne.
La veille de la Toussaint 1655, du côté nord de 1'Ile d'Orléans, presque vis-à-vis la Rivière-aux-Chiens, c'est la fête chez Maurice Arrivé. Le notaire Claude Auber de Château-Richer, Etienne Lessard et Louis Gagné de Ste-Anne viennent d'amarrer leur barque près de la grève. Claude Guyon et Jacques Pifre ne tardent pas à frapper à la porte du maître de céans. Assister à un contrat de mariage: une fête et un honneur, à l'époque!
Simon L'Herault, sur les bords de la trentaine, en grande forme, focalise l'attention de tous. Le fils et héritier du percheron René Hérault désire épouser Suzanne Jaroussel, fille de défunt Pierre Jarousseau et de Jacquette Touraude, de Périgny, commune du département de la Charente-Maritime, à 1'Est de La Rochelle. Le potentat Wojcieh Jaruzelski, premier ministre de Pologne, serait-il de cette ascendance française? Espérons que non! Du reste, Jaroussel est le nom féminisé de Jarousseau et celui de Touraude devient Touraud quand tu l’écris au masculin. Déja, le féminisme réclamait ses droits... Qu'en serait-il aujourd'hui s'il fallait ecrire au féminin Pépin, Pelchat et Vachon?
Suzanne a peut-être 14 ou 15 ans. Orpheline, elle vint au Canada avec sa mére rejoindre sa tante Françoise Touraud, épouse de Jacques Archambault. Sa mère avait trouvé à Québec un second mari en l'angoumois Jacques Prévireau, le 21 juillet l653; il décéda presqu'aussitôt. Alors, ce fut le maçon Maurice Arrivé, habitant de Sillery, qui accueillit comme son épouse Jacquette et comme sa fille Suzanne, le 26 août 1654.
La cérémonie se passe bien à l’île. A retenir que Maurice Arrivé et son épouse donneront la somme de 80 livres à leur fille Suzanne. De plus, «led arrivé promet de faire une cheminée sollage et pierrotage de La Maison dud futur espoux». La construction aura 27 pieds de longueur et 16 en largeur. Arrivé promet même de nourrir le gendre durant ce travail. Bref, Simon demeurera chez le beau-père aussi longtemps qu'il n'aura pas terminé sa maison.
L'apôtre des Hurons, le père René Ménart, S.J., bénit l'union de Simon et de Suzanne, devant les temoins Jean Baillargeon et Pierre Petit, le 27 novembre 1655, à la chapelle du bout de l’île. L'acte est consigné dans les registres de Notre Dame de Québec.
En 1666, Simon posséde un engagé, travaillant au mois, Etienne Comptant, tisserand en toile de son métier. L'année suivante, il déclare un cheptel de 14 bêtes dans son étable et 25 arpents de terre en culture: un succès! Jean Leclerc, 21 ans, l'aide comme domestique.
Le beau-père Maurice Arrivé sentit, un jour, ses bras faiblir et décida de vendre une partie de sa ferme à Simon. Le foyer 1'Arrivé était sans enfant. Maurice possédait 16 perches de terre de front avec grange et maison. Ses voisins: David Asselin et son gendre Simon, qui versera 760 livres dont 230 immédiatement au présent vendeur et 146 au sieur Charny, à la Toussaint prochaine. Jean Levasseur, Jacques Turet et le notaire Duquet parafèrent l’entente, le 23 juin 1667. Simon ne savait ni lire ni écrire. A 1'île, cet achat rendait l'ancêtre L'Hérault propriétaire terrien imposant; il rêvait grand. La terre de 1'Arrivé lui offrait 12 nouveaux arpents de terre défrichée.
Le 7 mars 1668, un mercredi, Jean Levasseur, huissier, rend foi et hommage au nom de Simon Lereau, possesseur d'un emplacement à la basse-ville de Québec, entre Charles Cadieu et Jacques Perrot dit Villedaigre. Simon paie 3 livres de rente foncière annuellement et 5 sols de cens.
Les actes de baptême des aînés Marie et Pierre, le filleul de Pierre Loignon, ont été perdus. Marie, toute jeune, devint l’épouse de l'arquebusier Jean Guy, le 7 janvier 1671, à Ste-Famille. Et Pierre, célibataire attardé, cédera son coeur à l'adolescente Marguerite Badeau, le 7 février 1689, à Québec, devant l'abbé François Dupré. Marguerite lui donnera 5 enfants. Pierre mourra écrasé sous un voyage de foin, à Charlesbourg où il sera inhumé le 25 novembre 1711.
Filleule de Louis Lepage et de Marie Perrot le 7 mai 1667, Anne épousera François Fréchette, fils d'Etienne et de Marie Belin, charpentier de navire, capitaine de milice, le 18 janvier 1680, à Ste-Famille. Anne est l'ancêtre directe de Louis Fréchette, notre poète national. François et Anne eurent 9 enfants .
Né le 9 octobre 1667 à Ste-Famille, filleul du lieutenant de la Colonnelle du Régiment de Carignan, Sixte Charrier de Mignarde, Sixte L'Herault avait 27 ans lorqu'il décida d'épouser Reine Deblois, le 15 février 1694. I1 fut pére une huitaine de fois, vécut a l'île où il décéda en 1717, âgé de 50 ans. La cadette M.-Madeleine, filleule de Jean Gagnon à Robert et de M.-Madeleine Bauché, quitta un jour la belle île d'Orléans. Elle épousa à Montréal Jean Laroche, fils de Robert et de Jeanne Souillou, de France; elle engendra 7 enfants avant de convoler en secondes noces, à Laprairie, avec Louis Leduc, indien de la nation des Chicachias, selon Tanguay. Madeleine décéda aprés son second mari, à Laprairie, en 1741.
Le nom de Simon «LHéreau» apparaît au Conseil Souverain de Québec, le 10 novembre 1663. Charles Aubert de la Chenaye exige de Simon la somme de 38 livres 5 sols pour compléter le prix du passage d'un homme de travail «qu'il luy bailla des y a quatre ans». Et, le 28 avril de l'année suivante, le matelot Pierre Aygron se plaint que son serviteur prénommé Jacques lui a coûté une fortune a cause de sa maladie. I1 demande permission de saisir son salaire vu qu'il travaille maintenant chez Simon Lheureau, ce qui fut accordé par cette cour suprême.
En 1670, la colonie semblait promise à un brillant avenir. Cependant, la famille L'Hérault allait passer par l'épreuve. Le 21 avril, Jacquette Touraud, mère de Suzanne, fut inhumée dans la terre insulaire. Deux mois plus tard, Maurice Arrivé convolait en noces rapides avec Françoise Pedenelle. Comme Mme L'Hérault était héritière de la moitié des biens Arrivé, Simon commanda un inventaire auprés du juge prévôt de la seigneurie, le 25 juillet. Le lendemain, Paul Vachon, notaire, en présence de témoins désignés, exécuta l’ordre. Un arpent et demi de terre restante échut à Suzanne.
Puis, ce fut l'automne avec ses grippes peut-être ou un accident. Simon se ramassa à 1'Hôtel-Dieu de Québec, on ne sait comment. Le chirurgien René Cauchon dit Laverdière le soigna. Le 2 novembre 1670, sur son lit d'hôpital, Simon assiste à la lecture du contrat de mariage de sa fille ainée, Marie. Dix jours plus tard, il rendit le dernier soupir après avoir confié ses dernières volontés à l’abbé Charles de Lauzon-Charny. L'histoire ne nous a laissé aucun document concernant la sépulture de l'ancêtre.
La Nouvelle-France venait de perdre un humble défricheur, pére d'une fière descendance.
Le 5 février 1671, dans la maison de défunt Simon, Suzanne passe un contrat de mariage avec Robert Coutard. fils de parents défunts François et Anne Jolly, paroisse St-Martin, ville de Vendôme, au Mans. Suzanne et Robert veulent vivre en communauté de biens; Robert s'engage à entretenir les enfants «Pierre sixte anne Et marie magdelene lereau» jusqu'à leur âge de 15 ans. Signent avec parafe Claude Bermen, Nicolas Huot dit St-Laurent, C. Bouchard dit Dorval, René Cochon et le notaire royal.
Le 9 février, bénédiction nuptiale a l'église Ste-Famille en présence des témoins Arrivé et Jean Guy. Quatre enfants Jaroussel-Courtard s'ajoutèrent aux petits L'Hérault: Marie, née le 24 janvier 1672 et décédée en avril 1673; François, filleul de François Marceau; Marie, née en 1677, future épouse de Bertrand Lart dit Laramée; Pierre porté au baptême par ses oncle et tante Pierre et Marie L'Heureux; enfin, Jacques signalé par Mgr Tanguay et don’t on sait peu de chose.
Le lendemain de son contrat de mariage, Suzanne fit dresser l'inventaire de ses biens pour protéger ses enfants héritiers, opération qui se termina le 12 mars 1671. Maison, grange, hangar, four, 58 arpents en culture et prairies, titres de concession, papiers divers, tout y passa. L'espace alloué manque ici pour détailler les biens meubles, ustensiles de cuisine,· instruments aratoires, animaux: boeufs, vaches, veaux et porcs, les grains et le petit miroir avec son cadre à l'usage de la famille.
Un essai de partage entre les enfants mineurs L'Hérault fut effectué en 1672. En voulant trop partager, tous risquaient de se retrouver nus et dépouillés. Robert Coutard voulait au moins la maison «manable» et une portion de terre raisonnable à cultiver, ce qui fut accordé. Les derniers relents de cette succession difficile et compliquée prirent fin vers 1694.
Suzanne Jaroussel et Robert Coutard finirent par s'établir à la Côte de Lauzon où Robert avait une concession depuis le 7 novembre 1670. En 1681, c'est là qu'il est recensé avec sa femme et ses enfants. Robert Coutard reçu sa sépulture à St-Antoine-de-Tilly, le 25 janvier 1706. Quant à Suzanne, les recherches n'ont rien donné de précis au sujet de sa mort survenue avant le 19 juillet 1700.
Pour une multitude, Suzanne et Simon L'Hérault furent l'aurore qui se leva sur les hauteurs de leur histoire canadienne.
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